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Le livre des transformations
15 janvier 2012

Le culte du changement vu de l'occident

"Le mythe du progrès et le culte du changement"


Résumé de la conférence du professeur JF. Mattei - Collège des Bernardins Paris V - 01/02/2012

La conférence s'articule autour du passage de la perspective théologique de l'histoire vers l'impasse nihiliste telle que pensée par les philosophes occidentaux "modernes", de Karl Marx à Hannah Arendt en passant par Friedrich Nietzsche et Carl Schmitt :

  1. L'héritage théologique de notre société
  2. Du mythe du progrès au dieu du changement
  3. L'avènement du nihilisme

Le professeur Mattei assène à "coup de marteau" une philosophie sans concession, conservatrice par essence et européano-centrée mais non dénuée d'enseignement au regard des génocides du XXème siècle et du sentiment de chaos éprouvé par nombre de nos contemporains.

Acte 1 : dès l'âge de l'antiquité les sociétés se construisent autour de visions mythologiques qui fondent les principes de progrès et modernité. Si leurs fondations reposent sur des mythes, la modernité elle même n'est-elle pas son propre mythe fondateur ? (la modernité, "un enfant né sans mère" - Ovide).

Parmi l'ensemble de ces mythes la théologie, ou "discours sur le divin", conserve une place centrale. Citant  Carl Schmitt, juriste et philosophe allemand du siècle précédent, JF Mattei appui l'idée qu'aujourd'hui encore "tous les concepts de la théorie de l'état et de la société sont issus de la théologie". L'approche du scientifique lui même dans sa recherche de la vérité n'échappe pas à l'empreinte du religieux, et de citer Nietzsche : "sous chaque savant se cache un pasteur !".

Entraînée dans un "culte du mouvement" (cf. Pierre-André Taguieff), la modernité se déploie au travers de trois périodes historiques successives accompagnées de ses penseurs de référence : une époque théologique (Saint Augustin, ...), une époque politique (Hobbes, Marx ...), une époque sociologique (Spinoza, ...). L'héritage chrétien peut aisément se lire au travers de la lecture du sens de l'histoire à commencer par le décompte du temps (calendrier grégorien). La rédaction des "Enquêtes" d'Hérodote initiée par le monde grec précède et prépare la linéarité du temps chrétien entre passé, présent, futur, telle que décrite par Saint Augustin dans ses "Confessions". L'histoire y est sous-tendue par une fin annoncée, celle de la venue du royaume de dieu.

Dans cette perspective chrétienne, l'homme n'a de destin qu'au centre de cette dynamique, entre création (du monde), révélation (du fils de dieu) et fin de l'histoire avec l'avènement du royaume (de dieu). Cette tension est transposée au XIXème siècle du domaine du religieux et du mythe au domaine de l'idéologie et tout particulièrement de l'idéologie communiste.

Acte 2 : l'homme "fils de dieu" laisse pour peu de temps sa place à "l'homme générique", prolétaire et universel dessiné par Karl Marx. Le messianisme est communiste, il est nourri par l'idée du progrès et du nouveau monde égalitaire à venir. Carl Schmitt décrira ce passage du religieux au mythe du progrès et dévoilera le premier les analogies propres à ces deux dynamiques.

Cependant le doute s'intalle rapidement. Le héros communiste et la "religion" scientiste des positivistes d'Auguste Comte s'apprètent à s'effacer devant "l'homme des foules au regard vague" décrit par le poète américain Edgar Allan Poe. A la notion de progrès se substitue lentement celle de changement. La finalité messianique, qu'elle soit chrétienne ou communiste, est remplacée par l'idéologie du changement qui devient en soi sa propre fin.

Petit à petit l'idée de progrès est abandonnée, l'homme lui même est au centre du cyclone. L'aventurier des conquêtes scientifiques se transforme en cyber machine (cyborg). "L'homme rédempté laisse la place à l'homme augmenté". Seul Friedrich Nietzsche perçoit l'inaboutissement de l'espèce humaine et en envisagera les conséquences pour "l'homme, le seul être non encore fixé" ! Martin Heidegger après la seconde guerre mondiale, trouvera les causes de cette révolution au sein du courant humaniste lui même qui, depuis la période de la Renaissance, n'aurait pas su mettre l'homme "à l'abri" en le plaçant assez haut ...

Carl Schmitt entrevoit le rêve d'une humanité affranchi du passé et du futur, dans "le paradis d'une pure temporalité". Mais les calendriers révolutionnaire (aboli en 1806) puis positiviste (élaboré par Auguste Comte) tentent vainement de succéder au calendrier grégorien. L'histoire se construit encore à partir des dates de référence du religieux.

Acte 3 : le changement est bien le nouveau dieu de notre époque. Toutes les activités humaines sont concernés par ce culte au détriment de l'homme lui même qui ne peut ni se ressourcer dans le passé, ni se projeter dans l'avenir. Sans point fixe ni point de fuite, il ne peut se projeter que dans un mouvement vide, privé de toute rédemption.

Friedrich Nietzsche a pressenti dans le "Gai savoir" (fragment 125) l'effacement à venir de l'horizon tout entier de l'homme et l'avènement du nihilisme : "rien ne tient, rien ne s'oriente". A la suite de Nietzsche, trois états du nihilisme sont identifiables : le nihilisme originaire précédant l'apparition de l'homme (du chaos surgit le temps qui ne va nul part, "le devenir ne peut pas cesser de devenir" - l'homme inventant l'horizon religieux pour donner du sens) ; le nihilisme chrétien et la tentative de régularisation par la création d'un horizon religieux ; le nihilisme haté proprement nietzschéien du "à quoi bon" et de la perte du sens qui annule tout.

Cependant le XXème siècle voit aussi le retour du refoulé chrétien au travers d'oeuvres comme celles d'Albert Camus.

La profondeur et l'amplitude du changement relève en fin de compte d'une victoire de l'ubris, d'une démesure à l'échelle du monde contemporain. Hannah Arendt dénoncera la première le concept de processus qui abolit toute loi morale, entraîne la divinisation du changement, à l'origine de cycles de développement infinis et hâtant l'avènement des conflits  mondiaux. La réalisation de la loi du mouvement préparant in finé la terreur totalitaire, l'abolition du sens et au delà la (non) justification des génocides (sic). Gilles Deleuze de cet ubris sans fond théorisant quant à lui l'existence d'un corps sans organe et l'avènement des réseaux virtuels ...

 

 


 

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